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Thomas Meyer
En coulisse

Confessions d’un accro au shopping

Thomas Meyer
9/7/2024
Traduction : Stéphanie Klebetsanis

Je dépense depuis que je gagne de l’argent, souvent de manière compulsive et exagérée. Pourquoi est-ce que j’agis de la sorte? À 50 ans, j’ai décidé de m’attaquer enfin au problème, avec l’aide d’une spécialiste.

Le matin, j’allume mon iMac, je mets mes écouteurs et je mets de la musique. Ensuite, je lis mes emails et je regarde sur le site de Digitec ce que le monde merveilleux des nouvelles technologies a de nouveau à me proposer. Une deuxième paire d’écouteurs, par exemple.

Je cherche ensuite des nouveaux morceaux sur Bandcamp. J’en ai déjà plus d’un téraoctet, mais ça ne me suffit pas. Pareil rayon vêtements. Il y a quelque temps, j’ai malheureusement dû me rendre à l’évidence : je suis oniomane.

Enfin, « malheureusement » n’est peut-être pas le bon mot. Je suis content d’avoir réalisé que je ne me maîtrise plus. La sensation qui m’envahit quand je fais mes recherches, que je commande des articles et que je les déballe ensuite n’est pas de la joie, comme j’ai tenté de m’en convaincre pendant des années, mais une euphorie typique des addictions. D’ailleurs, j’ai des symptômes de manque quand je m’abstiens.

J’ai pris rendez-vous auprès de la Suchtfachstelle Zürich, un centre d’aide et de prévention des addictions. Au bout de quelques minutes, la gentille conseillère qui m’a reçu m’a dit que j’avais déjà fait le plus grand pas en me rendant à cette séance, et m’a félicité. J’ai eu l’impression d’être dans un film.

La ligne rouge montre quand même une amélioration : j’ai souvent passé commande en 2023, mais moins dépensé que les années précédentes.

Lorsque la conseillère m’a demandé si je souffre beaucoup, je lui ai répondu oui. Je dépense mon argent depuis que j’en gagne, c’est-à-dire depuis 30 ans, ce qui me stresse, car je me retrouve régulièrement à sec. Elle m’a encouragé à me définir un objectif. Je veux me limiter à une ou deux séances d’achats par mois. Elle m’a demandé à quelle fréquence je consommais.

Je n’en étais pas sûr. Pas tous les jours, mais sans doute tous les deux jours. En tous cas, je ne passais pas une seule journée sans réfléchir à ce que je pourrais m’acheter, et ce pendant plusieurs heures. Je ne cédais quand même pas à toutes mes impulsions. Je créais des listes, et j’essayais d’attendre une journée avant chaque achat. Au final, je renonçais à beaucoup de choses, mais je me laissais souvent tenter.

J’ai dit à mon entourage que je me faisais aider. Les gens sont tombés des nues, parce qu’ils me voyaient comme quelqu’un de parfaitement équilibré (même si ça n’a rien à voir). Et la plupart de mes proches m’ont dit que tout le monde fait trop de shopping.

C’est vrai, tout le monde est concerné, mais je ne vois pas en quoi ça m’aide. Ça alimente tout au plus mes excuses déjà assez nombreuses. Ma préférée, c’est le « besoin » urgent d’acquérir un article précis. Lorsqu’on a besoin d’un câble Ethernet plus long parce qu’on a réaménagé le salon, c’est différent (sauf si, bien sûr, on a bougé tous les meubles pour ensuite « devoir » acheter un nouveau câble).

(Il est fort possible que le métier de rédacteur publicitaire que j’ai exercé pendant 15 ans ait nettement aggravé mon problème.)

J’imagine que c’est pareil pour tout le monde, pour diverses raisons. À mon avis, ceux qui prétendent le contraire ne sont pas honnêtes envers eux-mêmes. Mais comment faire pour gérer cette réalité ?

L’addiction sert à fuir les émotions complexes.

Un plan ambitieux

J’ai élaboré un plan avec l’aide de ma conseillère. « Restez réaliste », m’a-t-elle dit. J’ai réfléchi, et j’ai décidé de ranger mon porte-monnaie un jour sur deux. Je suis assez choqué de ne pas me sentir capable de plus mais bon, l’idée est de rester réaliste.

Ce n’était pas facile, mais ça a fonctionné ! J’ai ressenti plusieurs fois par jour une intense fièvre acheteuse. Et elle n’était pas du tout contente que je lui résiste ! Je suis très fier d’avoir atteint l’objectif que je m’étais fixé, comme je l’ai annoncé à ma conseillère lors de ma séance suivante.

Le sentiment d’impuissance que je ressentais face à mes compulsions était déjà bien moins présent. J’ai donc décidé d’aller plus loin, et de passer à deux jours consécutifs, avec succès.

J’ai ensuite augmenté à trois jours, puis à une semaine, mais là, j’ai été un peu trop loin. La deuxième semaine, j’ai dû avancer ma séance de shopping du samedi au jeudi. C’est la faute de la personne qui a renvoyé un drone à Digitec. Il était revendu à un prix avantageux, vous comprenez.

(Oui, j’ai déjà un drone, mais son capteur n’est pas génial. J’avais donc « besoin » d’un meilleur modèle. J’ai donc « dû » déplacer mon jour de shopping mais, comme je l’ai déjà écrit, ce n’était pas de ma faute. Je trouvais que le prix justifiait ma décision. Visiblement, j’avais tort !)

Mon compte en banque a commencé à être bien plus fourni, mais je passais souvent mes journées sans achats à faire des recherches, et je me lâchais pendant mes séances de shopping. Je parcourais le web avant de commander quoi que ce soit, et je continuais après coup. Vous comprenez, si je m’étais trompé, je pouvais encore trouver un autre produit. Ou bien tomber sur mieux entre-temps... Bref, je restais dans mon cercle vicieux.

Stop à la dépendance !

Mon addiction est un fin renard. Elle tente régulièrement de me convaincre que je n’ai pas à endurer le stress et le sentiment d’impuissance que je ressens. D’après elle, ces émotions sont inutiles, et je peux les taire en me rendant sur Digitec, Galaxus, Bandcamp et AliExpress (non, elle n’est pas très sélective).

Je ne percevais pas cette petite voix avant. Maintenant, je peux même y résister ! Je lui réponds que je ne vais rien dépenser. Je pourrais le faire, mais ça ne servirait qu’à me distraire. Je préfère me confronter à mes émotions, et réfléchir à ce que je peux faire pour bien les gérer.

J’ai plusieurs méthodes à ma disposition. Le plus simple, c’est de ne rien faire. Je ressens alors une colère ou une tristesse passagère, ou plus durable. Je n’ai pas forcément besoin d’agir ; les émotions que j’évite tout le temps ne sont pas si graves. J’ai l’impression que je peux juste décider de ne pas les ressentir.

Ce n’est pas comme la Lotterie Romande, qui protège les joueurs en imposant des limites obligatoires et volontaires. Les boutiques en ligne devraient en prendre de la graine. Les clients devraient avoir la possibilité de se fixer des limites techniques.

Je me sens mal d’avoir dépensé tant d’argent. Aujourd’hui, mes finances vont beaucoup mieux. Je suis aussi plus conscient de mes comportements. C’est pas facile de réaliser qu’on a un problème, mais c’est le premier pas pour s’en sortir.

J’ai encore du chemin à faire. J’ai rechuté pendant la rédaction de ce texte, et ça m’a coûté cher. J’ai de nouveau justifié un soi-disant besoin, et je me suis plongé à corps perdu dans des recherches.

Par contre, cette fois, je me suis senti stressé, et j’ai ressenti de la honte à la place de l’exaltation caractéristique, parce que j’ai passé commande pendant un jour sans achat. Et aussi parce que j’ai cédé à la tentation, tout simplement. Ce gadget ne me fait pas du tout plaisir.

Ma conseillère m’a dit que c’est bon signe. Ouf !

Vous trouverez de l’aide auprès de la Suchtfachstelle Zürich ou d’un centre de votre région.

Photo d’en-tête : Thomas Meyer

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Né à Zurich en 1974, Thomas Meyer est écrivain. Il a travaillé comme rédacteur publicitaire jusqu'en 2012, date à laquelle son premier roman, « Le formidable envol de Motti Wolkenbruch », a été publié. Papa d'un garçon, il a toujours une bonne excuse pour acheter des Lego. Pour en savoir plus sur lui : www.thomasmeyer.ch. 


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