Mateusz Feliksik/Shutterstock
En coulisse

Sur les réseaux sociaux, les influenceurs font de la publicité mensongère sous couvert de promesses de santé

Anna Sandner
11/7/2025
Traduction: Aglaë Goubi

Une peau impeccable ? Des yeux pétillants ? Sur Instagram, une solution unique : les compléments alimentaires. Ils sont présentés comme des remèdes miracles, tandis que les risques et l’absence de contrôle sont rarement abordés. Foodwatch montre comment les promesses publicitaires peuvent se transformer en dangers réels.

Vous êtes en train de scroller sur Instagram, et entre les reels de coaching sportif, les conseils bien-être et les tartines d’avocat, vous voyez soudain surgir quelqu’un qui semble tout droit sorti d’un laboratoire de santé haut de gamme avec la peau parfaite, les yeux pétillants, manifestement en très bonne santé, et tout cela soi-disant grâce à « ce seul comprimé ».

Ça vous rappelle quelque chose ? Alors vous avez peut-être déjà remarqué qu’un nombre étonnant de medfluenceuses et medfluenceurs prétendent avoir trouvé le remède miracle. Ce remède unique qui nous manque à toutes et tous pour être en bonne santé, en plein bonheur, en forme, mince et tout cela sans aucun effort. Il s’agit tantôt d’une boisson verte nutritive, tantôt d’un booster de vitamines, tantôt d’une gélule miracle pour la flore intestinale. Cela semble trop beau pour être vrai ? Oui, ça l’est.

C’est également ce qu’a pensé l’organisation de défense des consommateurs Foodwatch, qui a examiné de plus près le phénomène des thérapies et guérisons miracles sur Instagram. Les conclusions du rapport (en allemand) sont aussi claires qu’alarmantes : toutes les stories publicitaires Instagram contenant des promesses en matière de santé examinées par Foodwatch sont illégales. Alors pourquoi sont-elles quand même diffusées ? Nous y reviendrons dans un instant.

Le marché est en plein essor et les infractions aussi

Plus de la moitié des Allemands prennent au moins une fois par an des compléments alimentaires. En 2023, plus de trois milliards d’euros ont été dépensés dans ce domaine rien que dans les pharmacies. Instagram est désormais la nouvelle vitrine : des marques telles que ESN, More Nutrition ou Sunday Natural misent sur les influenceurs et influenceuses pour vendre leurs produits soi-disant indispensables à la santé et au bien-être.

Bien sûr, tout le monde peut partager son expérience d’utilisation d’un produit, mais Foodwatch considère les promesses de résolution des problèmes de santé comme de la publicité, surtout s’il existe une collaboration, c’est-à-dire un lien d’intérêt, avec l’entreprise concernée.
Bien sûr, tout le monde peut partager son expérience d’utilisation d’un produit, mais Foodwatch considère les promesses de résolution des problèmes de santé comme de la publicité, surtout s’il existe une collaboration, c’est-à-dire un lien d’intérêt, avec l’entreprise concernée.
Source : Foodwatch

Foodwatch a observé pendant 20 jours 95 comptes germanophones consacrés au fitness et à la santé. Au total, elle a recensé 674 publications faisant la promotion de compléments alimentaires, toutes considérées comme illégales. Il ne s’agit donc pas d’un cas isolé, mais bien d’un système.

Les compléments alimentaires sont superflus pour la plupart des gens et peuvent même être nocifs s’ils sont pris à fortes doses.
Association fédérale des consommateurs

Qu’est-ce qui est autorisé et qu’est-ce qui ne l’est pas ?

Concrètement, le cadre est clair : le règlement européen sur les conseils en santé n’autorise que ceux qui sont scientifiquement prouvés. Tout le reste, en particulier les déclarations concernant des pathologies telles que « soulage les douleurs articulaires », sont interdites. En Suisse également, seules les recommandations scientifiquement prouvées sont autorisées à propos des denrées alimentaires.

La réalité sur Instagram est bien différente : des personnes s’autoproclamant professionnelles de santé vantent allègrement des substances pour lesquelles il n’existe aucune indication en santé autorisée. Le collagène en est un exemple. Dmitrij Kreis promet sur Instagram : « Les compléments alimentaires à base de collagène rendent votre peau plus élastique, vos articulations plus souples, vos os plus solides... » Cela semble formidable, mais malheureusement, cela n’est pas prouvé scientifiquement et ses déclarations ne sont donc pas autorisées.

Avec sa blouse de médecin et son stéthoscope, Dmitrij Kreis inspire confiance. Malheureusement, ses affirmations fantaisistes ne tiennent pas la route.
Avec sa blouse de médecin et son stéthoscope, Dmitrij Kreis inspire confiance. Malheureusement, ses affirmations fantaisistes ne tiennent pas la route.
Source : Foodwatch

Les techniques des réseaux sociaux : anxiété, proximité, et codes promo

Pourquoi ces messages publicitaires sont-ils si convaincants ? Parce que les influenceuses et les influenceurs se présentent comme vos meilleurs potes, vous partagent leurs réussites personnelles (qu’elles soient vraies ou non, cela reste à déterminer) et vous offrent en prime des codes de réduction exclusifs. Tout cela fait que ces « vidéos commerciales » ne sont pas facilement identifiables comme de la publicité classique. De plus, près d’une story sur cinq n’est pas officiellement identifiée comme de la publicité, ce qui rend la frontière entre recommandation honnête et stratégie commerciale agressive très floue.

Les compléments alimentaires : utiles ou superflus ?

Les compléments alimentaires sont des denrées alimentaires, pas des médicaments. Ils ne remplacent toutefois pas une alimentation saine. Ils sont peu contrôlés, ne nécessitent aucune preuve d’efficacité, sont souvent surdosés ou ne contiennent pas les principes actifs qu’ils prétendent contenir (en anglais). Ils sont inutiles pour la plupart des gens, voire parfois dangereux. Voici les produits préférés des gourous de la santé sur Instagram, et ce qu’ils contiennent réellement.

Les protéines : une alimentation équilibrée est généralement suffisante, même pour les sportifs. Un apport ciblé peut s’avérer utile uniquement en cas d’entraînement très intensif. Il est alors recommandé de consulter un médecin ou un nutritionniste.

La vitamine C : contrairement à ce qu’affirment certaines publicités, n’aide pas à lutter contre les rhumes. De plus, les fruits et légumes couvrent facilement les besoins quotidiens.

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    La vitamine C est importante, mais pas comme vous le pensez.

    par Anna Sandner

Le magnésium : là aussi, une idée fausse selon laquelle il serait efficace contre les crampes musculaires persiste et sert régulièrement d’argument de vente. Le magnésium n’est utile qu’en cas de carence avérée.

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    Du magnésium contre les crampes musculaires ? Oui, mais…

    par Anna Sandner

La vitamine D : elle fait effectivement défaut à beaucoup de personnes sous nos latitudes et un apport peut être utile en hiver, mais uniquement après consultation médicale.

Les préparations multivitaminées : là encore, aucun bénéfice pour la santé n’a été démontré, mais elles présentent un risque de surdosage.

Les risques et effets secondaires sont souvent sous-estimés

De nombreux compléments alimentaires sont non seulement inutiles, mais aussi dangereux. Il n’existe aucune quantité maximale légale pour les vitamines et les minéraux, les fabricants peuvent donc doser à leur guise, et c’est ce qu’ils font. Foodwatch a découvert que plus de la moitié des produits dépassaient les recommandations de l’Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques. Sept pour cent dépassent même les valeurs maximales fixées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

Autre détail intéressant : selon la loi, la quantité réelle d’ingrédients peut dépasser jusqu’à 50 % la valeur indiquée sur l’emballage. Jusqu’à la moitié en plus ! On ne sait donc jamais exactement ce que l’on avale réellement. En bref, les compléments alimentaires ne sont pas des produits lifestyle inoffensifs. Dans le pire des cas, une consommation inconsidérée peut non seulement vous coûter cher, mais aussi nuire à votre santé.

En conclusion : aucune garantie de contrôle

Si c’est strictement interdit, pourquoi les pseudo-experts peuvent-ils continuer à faire de la publicité aussi librement sur Instagram ? Parce que les autorités sont complètement dépassées. Elles parviennent à peine à effectuer les contrôles obligatoires dans les supermarchés, une surveillance généralisée des réseaux sociaux est donc tout simplement utopique.

Il en résulte qu’Internet (et en particulier les réseaux sociaux) est devenu une zone de non-droit. Les entreprises et les influenceuses et influenceurs mandatés peuvent généralement promettre monts et merveilles aux gens sans que l’exactitude des informations ne soit vérifiée.
Rapport Foodwatch

Les associations de consommateurs mettent régulièrement en garde contre la publicité trompeuse et les risques liés aux compléments alimentaires. Elles peuvent, tout comme d’autres associations de consommateurs telles que Foodwatch, adresser des avertissements et intenter des actions en justice, mais cela prend du temps, coûte de l’argent et les produits continuent à être vendus pendant ce temps.

Leur conseil : restez critique, remettez en question les promesses, surtout si elles semblent trop belles pour être vraies et qu’elles s’accompagnent en plus d’un code de réduction.

Photo d’en-tête : Mateusz Feliksik/Shutterstock

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Rédactrice scientifique et biologiste. J'aime les animaux et je suis fascinée par les plantes, leurs capacités et tout ce que l'on peut faire avec et à partir d'elles. C'est pourquoi mon endroit préféré est toujours à l'extérieur - quelque part dans la nature, volontiers dans mon jardin sauvage. 

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