Plongée en apnée : inspirer et se laisser aller
28/2/2024
Traduction: Anne-Salomé Evéquoz
Prendre une profonde inspiration et plonger dans l’immensité bleue de la mer, c’est le rêve de beaucoup de plongeurs. Pour Doris Hovermann, ce rêve est devenu réalité. En tant qu’ancien membre du cadre national d’apnée allemand, elle a battu des records et appris de nombreuses choses sur elle-même et sur le monde sous-marin.
Lorsque Doris Hovermann passe en revue les photos enregistrées sur son smartphone, on dirait une excursion dans un autre monde. Au salon mondial des sports nautiques, « Boot », à Düsseldorf, elle me présente ces souvenirs. La voilà en plongée parmi les requins aux Açores ou encore dans des systèmes karstiques, appelés cenotes, au Mexique. Elle plonge sans bouteilles d’oxygène, ni détendeur ou autre appareil.
Doris est plongeuse en apnée et parvient, avec une seule inspiration et sans aide, à plonger à plus de 50 mètres de profondeur dans un lac. Cette profondeur correspond environ à la hauteur d’un bâtiment de 14 étages.
C’est très impressionnant, car la plongée en apnée dans un lac représente une discipline à part entière. En effet, les conditions dans les lacs sont bien plus difficiles que dans les mers. La plupart du temps, la vision y est mauvaise compte tenu du limon présent. Il y fait sombre et froid. Plonger dans ces conditions à plus de 50 mètres de profondeur et sans aucun appareil de respiration, ça exige de grandes connaissances sur la plongée, une force mentale importante et surtout beaucoup de courage.
Source : Doris Hovermann
Une compétition entre amis réveille sa passion
Ce voyage dans les profondeurs de l’eau sans appareils ni bouteilles d’oxygène a commencé un peu par hasard pour Doris il y a 15 ans. Depuis plusieurs années déjà, elle était instructrice de plongée lorsqu’à l’occasion de l’inauguration d’une fosse de plongée à Siegburg, en Allemagne, elle a vu des plongeurs en apnée descendre à 20 mètres de profondeur, complètement détendus, et faire remonter des bulles d’air en forme de cercles pour rigoler. Les plongeurs revenaient à la surface, le sourire aux lèvres. Les plongeurs en apnée appelaient cette petite compétition Seigneur des anneaux.
En comparaison, Doris trouvait que les autres plongeurs, dont elle faisait partie, étaient lourdement chargés et passablement tendus. C’est ainsi qu’elle a décidé d’explorer la fosse en prenant une seule inspiration.
Dès son premier essai, elle est devenue fan de cette technique. C’est ainsi qu’elle a voulu en savoir plus sur cette plongée élégante. Le même jour, elle a contacté un instructeur de plongée en apnée et a appris que, comme pour la plongée en scaphandre, ce type de plongée requiert une formation structurée avec différents niveaux et des contenus d’apprentissage qui s’enchaînent. Après avoir suivi de nombreux cours et acquis une grande expérience, elle est devenue instructrice de plongée en apnée avant de finalement devenir formatrice professionnelle pour les instructeurs.
Un détour par le sport de compétition
Très vite, la fosse de plongée de 20 mètres ne lui a plus suffi et Doris a commencé à plonger dans des lacs et des mers, accompagnée par d’autres passionnés. « C’est surprenant à quel point on s’améliore vite avec de bonnes instructions, une bonne technique de respiration et un peu d’entraînement », déclare-t-elle. Elle s’est qualifiée pour l’équipe nationale et a participé à trois reprises aux championnats du monde dans différentes disciplines, allant de l’apnée dynamique à la plongée profonde avec des palmes (poids constant). En 2014, elle a battu pour la seconde fois le record allemand de plongée profonde avec palmes en lac avec 47 mètres. Ce record n’a été dépassé que deux fois depuis 2014. Avec l’équipe allemande, elle a obtenu la septième place à Nice en 2012 dans une compétition lors de laquelle c’était la performance globale dans toutes les disciplines qui compte.
« Vous ne pouvez donc pas simplement plonger sans stratégie. »
La préparation mentale constitue l’élément que Doris appréciait particulièrement dans les compétitions. ELes participants doivent indiquer préalablement à quelle profondeur ils comptent plonger et se lancer immédiatement au signal de départ. Une plaque de fond est placée à la profondeur indiquée. Il n’est donc pas possible de descendre plus bas que cette plaque. Si le plongeur n’atteint pas cette profondeur, il perd des points et, évidemment, plus c’est profond, plus on gagne de points. « Il faut donc bien se connaître et savoir ce qu’on peut atteindre le jour J avec les conditions de compétition, explique Doris. Vous ne pouvez donc pas simplement plonger et regarder jusqu’où vous arrivez. » C’est aussi la raison pourquoi les profondeurs atteintes en compétition sont souvent inférieures à celles des entraînements.
Vous pouvez voir à quoi ressemble une compétition de plongée en apnée dans cette vidéo :
En 2012, Doris a gagné sa première médaille d’or lors d’un championnat dans le lac de Zurich. Aujourd’hui, elle a arrêté la plongée de compétition et donne désormais des cours de plongée et organise des voyages de plongée à travers le monde. En outre, elle soutient l’Agence spatiale européenne (ESA) pour la formation sous-marine des astronautes, car, en fin de compte, l’espace et les profondeurs des eaux, des environnements dangereux pour les humains, ont beaucoup de points communs.
Un voyage intérieur aussi
La plongée en apnée s’est professionnalisée, au point que beaucoup d’entraînement est nécessaire pour tenir le rythme des athlètes de pointe. Cela n’intéresse plus Doris. D’ailleurs, ce serait incompatible avec son quotidien d’instructrice de plongée et d’ambassadrice pour la marque Mares. Elle préfère se concentrer sur l’expérience sous l’eau. La plongée représente aussi un voyage intérieur.
En effet, c’est l’alternance entre la détente profonde et l’attention accrue qui permet à des personnes comme Doris de rester plusieurs minutes sous l’eau avec une seule inspiration. Pour plonger de manière sûre et détendue, il est essentiel de baisser sa fréquence cardiaque avant de plonger et d’être extrêmement calme. Ainsi, la consommation d’oxygène soit aussi faible que possible. Cette pratique a quelque chose de méditatif. C’est ce qui la rend aussi attirante.
Source : Doris Hovermann
Il ne s’agit pas de battre des records, mais, par exemple, de nager tranquillement le long d’un récif à dix mètres de profondeur. Le calme et la détente avec lesquels les plongeurs en apnée se meuvent comportent encore d’autres avantages : les poissons ne s’enfuient pas immédiatement, mais s’approchent avec curiosité. « J’ai déjà eu des rencontres incroyables avec des mammifères marins, se souvient Doris, peut-être ne m’ont-ils pas considérée comme un corps étranger et c’est la raison pour laquelle ils ont interagi avec moi .» Elle me montre également des photos de ses rencontres fascinantes avec des requins en eau libre.
Quelques conseils pour les personnes intéressées
Alors que beaucoup de gens se sentent attirés par la plongée en apnée, non seulement en raison du film de Luc Besson Le grand bleu et de la production Netflix Au plus profond, d’autres craignent les dangers de ce sport. En effet, la plongée en apnée est considérée comme un sport extrême et comporte des risques. « Il est essentiel que vous ne vous lanciez pas tout seul. Avec un bon instructeur ou une bonne instructrice de plongée, vous en saurez beaucoup sur la physiologie et sur la bonne technique de respiration après seulement deux jours de cours. » Respirer calmement et de manière détendue est très important, car l’hyperventilation, c’est-à-dire une respiration trop rapide, est dangereuse et peut mener à une perte de connaissance sous l’eau.
Source : Siri Schubert
Un autre aspect est également important pour Doris : il ne faut jamais plonger seul, car même les plongeurs très expérimentés peuvent perdre connaissance sous l’eau sans qu’il y ait des signes avant-coureurs. Si un partenaire de plongée se trouve à proximité, il peut rapidement ramener la personne sans connaissance à la surface et cette dernière reprend en général vite ses esprits. De fait, le risque de se noyer est grand si l’on va plonger sans accompagnant. « Je plonge entre cinq et six fois par semaine, mais je n’y vais jamais seule », déclare Doris. En fin de compte, un risque subiste même chez les plongeurs expérimentés et même dans la piscine.
Pour vous lancer, vous n’avez pas besoin d’être extrêmement sportif, mais il faut tout de même être en forme. Et pour ce qui est de l’équipement, il vous faudra évidemment moins de choses que pour la plongée en scaphandre. Pour commencer, vous aurez besoin d’un masque, d’un tuba, d’une combinaison en néoprène, d’une ceinture de lestage en plomb et de palmes spéciales. Dans la plupart des cours, il est possible de louer certains éléments de l’équipement, comme les palmes. Si vous savez déjà ce dont vous avez besoin, vous trouverez un grand choix d’objets nécessaires pour la plongée, de la combinaison aux palmes en passant par des masques et des tubas dans notre assortiment.
Si vous souhaitez vous informer sur la plongée en apnée, ces livres donneront des renseignements utiles :
Pour commencer, l’envie de se plonger dans une aventure sous-marine de manière détendue est plus importante que l’équipement. Le mieux est de se lancer sous la supervision d’un professionnel et, jamais au grand jamais, tout seul !
Photo d’en-tête : Doris Hovermann
Plongeuse scientifique, instructrice de SUP, guide de montagne... même si les lacs, les rivières et les mers sont mes terrains de jeu favoris, je ne me laisse pas porter par le courant, car j'ai encore beaucoup à apprendre et à découvrir. J'aime aussiprendre de la hauteur et changer de perspective en volant avec des drones et en faisant du trail.