Point de vue

La Nintendo Switch me frustre

22/5/2023

Traduction : Rose-Hélène Moquet

Nintendo a réalisé certains des meilleurs jeux de tous les temps, dont le tout dernier Zelda, « Tears of the Kingdom ». Mais ces jeux pourraient être bien meilleurs si la Switch n’était pas à bout de souffle.

En créant la Switch, Nintendo a réalisé un véritable coup de génie : une vraie console que l’on peut emporter avec soi et qui utilise les mêmes commandes par mouvement que la Wii. Les plus de 120 millions d’exemplaires vendus parlent d’eux-mêmes. Aux yeux de nombreux fans, Nintendo a fait tout ce qu’il fallait.

Je ne suis pas de cet avis. Lors de son lancement en 2017, la console était déjà techniquement obsolète et dépassée par Breath of the Wild. Ça s’annonçait mal. Des concessions ont également dû être faites pour Tears of the Kingdom. Le plus frustrant, c’est que cela aurait pu être évité.

Précisons que Tears of the Kingdom reste une merveille, tant au niveau du jeu que de la technique. Le fait qu’un jeu aussi monumental puisse fonctionner sur la Switch en dit long sur les capacités des développeur·se·s. Difficile cependant d’oublier que le matériel n’était déjà plus au goût du jour lors de son lancement sur le marché il y a six ans. Sa puce Tegra de Nvidia correspond à peu près aux performances des smartphones de l’époque dotés d’un processeur Snapdragon, comme le Galaxy S8. Dans Tears of the Kingdom, cela se traduit par des textures délavées, des scintillements des bords de l’écran et des chutes de performance. En mode portable, ce n’est pas si grave, mais personnellement je joue surtout sur la télévision.

L’eau est moins belle que dans « Waverace 64 » sur Nintendo 64.
Source : David Jaffe

Le nouveau Zelda n’est pas laid pour autant, il est même parfois très beau. Mais le faible niveau de détails ne permet pas de créer l’illusion d’un monde immersif et vivant. Je ne ressens pas cette sensation bien particulière lorsqu’un décor spectaculaire ou un monstre imposant m’émerveille. En plus de 40 heures de jeu, je me suis souvent enthousiasmé sur le gameplay, mais pas jamais sur les graphismes.

Je trouve qu’Elden Ring, qui est fortement inspiré de Breath of the Wild, constitue un bon contre-exemple. Ce jeu open world basé sur logiciel n’offre pas non plus des graphismes haut de gamme. Mais son moteur, c’est-à-dire les PC et consoles modernes sur lesquels il fonctionne, est suffisamment puissant pour créer un monde d’une beauté effrayante qui donne la chair de poule. Pourquoi n’aurait-on pas le droit à la même chose chez Nintendo ? Pourquoi me font-ils jouer sur du matériel qui date de l’âge de pierre ?

Fini la course au matériel

Avec la Gamecube, Nintendo a tenté de suivre le rythme de la concurrence en termes de performances. Le cube violet n’a toutefois rien pu faire contre la PlayStation 2 de Sony qui reste aujourd’hui encore la console la plus populaire de tous les temps avec près de 160 millions d’exemplaires vendus. Cela est probablement plus dû au succès de la PS2 qu’à l’échec de la Gamecube. Toujours est-il que Nintendo se concentre depuis lors entièrement sur l’expérience de jeu plutôt que sur des graphismes opulents.

L’image dans « Tears of the Kingdom » est souvent recouverte d’une sorte de brume.
Source : Nintendo

Cette décision s’est avérée payante, du moins la plupart du temps. La Gamecube a été suivie par la Wii, qui a dominé le marché des consoles, puis par la Wii U, qui n’a réalisé qu’un dixième des ventes de sa grande sœur. Avec la Switch, Nintendo a finalement réalisé une fusion entre console de salon et console portable, concentrant ainsi le travail de développement sur un seul appareil. En résulte une console qui, malgré un matériel poussiéreux, devrait encore se vendre à 15 millions d’exemplaires cette année.

Ce succès donne raison à Nintendo. Un gameplay créatif avec des graphismes moyens marche mieux qu’un jeu sans idées avec des paysages de rêve. Mais cela n’excuse pas le fait de prendre en otage une console avec des titres exclusifs et de continuer à presser un matériel obsolète depuis longtemps, juste pour maximiser les profits. Je ne demande pas un Zelda sous Unreal Engine 5 avec une résolution 4K et du ray tracing. Mais il y a quand même un juste milieu entre les fétichistes des graphismes de Master Race sur PC et les visuels moches réalisés sur une calculatrice. Quand je pense à ce que le talent des concepteur·rice·s de jeux de Nintendo pourrait faire avec un matériel plus puissant, cela me donne le vertige. Le fait que cela puisse prendre plus de temps et coûter plus cher ne peut guère être un argument. La simple vue du coffre-fort de Nintendo suffirait à faire se réconcilier Picsou et Flairsou.

Les scènes cinématiques sont certes plus détaillées, mais elles sont calculées avec un faible débit binaire, ce qui entraîne de nombreux artefacts.
Source : Nintendo

Précisons que Nintendo aurait tenté de sortir une Switch plus rapide. Mais la fameuse Switch Pro aurait été abandonnée au profit de la Switch OLED, ou Switch 2. Cette dernière est attendue pour 2024. J’ai vraiment hâte de voir ça. Les technologies modernes d’upscaling telles que DLSS 3 et l’IA Frame Generation devraient permettre de réaliser un énorme saut de performance même avec un matériel modéré. Le potentiel que Nintendo pourrait ainsi exploiter sur le plan des graphismes et du jeu semble sans limites.

En attendant, je continue à maugréer et à regarder avec envie ce qui se fait du côté de l’émulation. Au moins, on y trouve un peu de next gen avec une version de Zelda ultra-nette en 4K à 60 images par seconde.

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Philipp Rüegg

Senior Editor

Philipp.Rueegg@digitecgalaxus.ch

Enfant, je n’avais pas le droit d’avoir de console. Ce n’est qu’avec l’arrivée du PC familial 486 que le monde magique des jeux vidéo s’est ouvert à moi. Aujourd’hui, je compense largement ce manque : seuls le temps et l’argent m’empêchent d’essayer tous les jeux qui existent et de remplir mon étagère de consoles rétro rares.

Point de vue

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