Ramon Schneider
En coulisse

Miniatur Wunderland : quelle diversité offre le plus vaste monde miniature de la planète ?

Ramon Schneider
8/8/2025
Traduction: Stéphanie Klebetsanis
Photos: Patrick Vogt

Le Miniatur Wunderland de Hambourg est incroyablement détaillé et réaliste ; il sait enthousiasmer toute la famille. Malheureusement, ce monde à l’échelle 1:87 comporte aussi quelques lacunes. J’ai mené ma petite enquête, entre circuit de course, drapeau arc-en-ciel et réalité.

J’ai reçu ma première voiture miniature quand j’avais quatre ans. Je lui ai fait parcourir mon monde imaginaire pendant des heures ; elle est passée par-dessus des livres, sous des chaises, et devant des figurines Playmobil et des maisons Lego que j’avais montées moi-même. Plusieurs dizaines d’années plus tard, j’ai retrouvé les émotions de mon enfance devant la version miniature de Monaco. Mais cette fois-ci, mon regard était devenu plus critique.

Vue sur le port et le circuit de Monaco.
Vue sur le port et le circuit de Monaco.

Deux nouveaux mondes

Monaco est impressionnant. Le circuit de formule 1 slalome dans des ruelles étroites, la mer scintille dans le port, et le public est ravi. Au milieu de tout cela, les bolides se livrent une vraie course. L’équipe du Miniatur Wunderland Hamburg a mis 11 ans à peaufiner ce système. L’ordinateur localise précisément chaque véhicule grâce à des circuits imprimés conçus spécialement à cet effet. Il contrôle précisément chaque dépassement et chaque arrêt au stand. La course est hyper réaliste !

Quelques pas plus loin, on se retrouve à Rio de Janeiro : une favela en pente, Copacabana, et le carnaval. Tout bouge, tout semble plein de vie. Ce sont les parties les plus récentes. La grande finesse des détails, leur dynamisme et leur magie me sautent aux yeux. Ce monde miniature est gigantesque, et pourtant chaque détail compte ! Plus de 1200 trains, 11 000 véhicules, et quelque 290 000 figurines évoluent sur 1600 mètres carrés. En 24 ans, 400 collaboratrices et collaborateurs ont consacré 1,2 million d’heures à sa construction et à sa perpétuelle extension.

Rio de Janeiro ne se résume pas au carnaval et à Copacabana. On y trouve aussi des favelas.
Rio de Janeiro ne se résume pas au carnaval et à Copacabana. On y trouve aussi des favelas.

Ces maquettes sont hallucinantes, on est bien d’accord, mais je me demande à quel point elles reflètent la réalité. J’ai parcouru l’exposition avec un regard critique. Je me suis demandé qui est visible, et qui ne l’est pas. Y a-t-il des figurines en situation de handicap ? Des couples queers ? Des personnes de couleur ? Dans ce monde idyllique, où sont les tensions sociales ou politiques ?

Plus de diversité et d’égalité ?

J’ai remarqué quelques éléments isolés : une personne en fauteuil roulant sur un pont, entourée de grandes marches (!), un drapeau arc-en-ciel sur un balcon, une banderole appelant à sauver les glaciers. Malheureusement, ces éléments restent rares dans un univers extrêmement varié... et très normé.

Une personne en chaise roulante sur un pont, entourée de marches, c’est ça, l’inclusion ?
Une personne en chaise roulante sur un pont, entourée de marches, c’est ça, l’inclusion ?

Niklas Weissleder, porte-parole du Miniatur Wunderland Hamburg, s’est exprimé à ce sujet : « Nous tâchons de représenter tout le monde, cela dit nous sommes souvent limités par les figurines à notre disposition ». L’équipe en modifie elle-même, mais beaucoup sont produites en série. Les thématiques ne suivent pas un plan précis. Elles partent d’une région et s’étendent petit à petit.

Exigence et réalité

L’évolution du monde miniature ne passe pas inaperçue. Les zones les plus récentes, comme Monaco ou Rio, semblent plus travaillées, détaillées et audacieuses que les anciennes créations, comme la Suisse ou le village de Knuffingen. Cela dit, les maquettes ne reflètent pas vraiment la société telle qu’elle est ; elles n’en montrent que quelques fragments.

L’équipe du Miniatur Wunderland Hamburg accomplit un immense travail. L’Amérique du Sud devrait être prête d’ici 2027, puis se sera au tour de l’Asie.
L’équipe du Miniatur Wunderland Hamburg accomplit un immense travail. L’Amérique du Sud devrait être prête d’ici 2027, puis se sera au tour de l’Asie.

Les lacunes sautent aux yeux justement parce que ce monde est si foisonnant. Entre les dizaines de milliers de figurines, les centaines de trains et les innombrables détails, la rareté des handicaps, des couples queers, des personnes de couleur ou des scènes de pauvreté et de conflits sociaux semble presque absurde.

L’aspect sociétal est relégué au second plan

Les aspects sociaux les plus flagrants se trouvent dans une pièce adjacente. On y voit un coin de rue berlinois se métamorphoser au fil du temps, de la fin de la guerre à la réunification. L’exposition nous fait faire un mini voyage dans le temps et nous montre divers bouleversements politiques. On y voit aussi différents dioramas de l’élevage du bétail, des méthodes bio en plein air à l’élevage de masse. C’est la seule partie consacrée à l’histoire, aux changements et aux conflits sociaux. Reléguer ces éléments à une annexe n’est sans doute pas anodin...

L’élevage de masse à l’échelle 1:87. Une exposition spéciale pose tout de même un regard critique sur certains aspects de notre monde actuel.
L’élevage de masse à l’échelle 1:87. Une exposition spéciale pose tout de même un regard critique sur certains aspects de notre monde actuel.

Puisque les modélistes sont capables de reproduire autant de réalités différentes, pourquoi être aussi sélectif ?

Entre progrès et figurines de vitrine

On sent une volonté d’évoluer ; même si les nombreuses déclarations de l’équipe de presse restent générales, on perçoit une certaine volonté d’améliorer l’inclusivité. Malheureusement, tout n’est pas simple. L’équipe est certainement limitée par de nombreux obstacles, les moyens disponibles et la faisabilité.

C’est peut-être ça, le fond du problème. Ceux qui créent les modèles décident de ce qu’ils veulent montrer ou cacher. Pourtant, il ne s’agirait pas de politiser ce monde miniature, mais d’accorder plus de place à la société que nous connaissons, et de tout ce qu’elle implique.

Le Miniatur Wunderland dans le Miniatur Wunderland.
Le Miniatur Wunderland dans le Miniatur Wunderland.

Conclusion : un vaste univers et de petites lacunes

Le Miniatur Wunderland n’est pas un musée à visée politique. L’idée est d’enthousiasmer, d’étonner, et de raviver des souvenirs d’enfance, et il le fait très bien. Mais c’est justement parce que ce monde est créé avec tant de précision et d’amour (du détail) que ses lacunes sont si flagrantes. Dans des maquettes aussi complètes, pourquoi ne pas accorder un espace à ceux qu’on ignore trop souvent ?

Peut-être qu’un univers à l’échelle 1:87 mériterait qu’on élargisse notre regard. Une dernière question pour vous faire réfléchir : si vous construisiez votre propre monde miniature, à qui accorderiez-vous de la visibilité ?

Photo d’en-tête : Ramon Schneider

Cet article plaît à 44 personne(s)


User Avatar
User Avatar

Je suis payé pour faire tout et n’importe quoi avec des jouets du matin au soir.

Ces articles pourraient aussi vous intéresser

  • En coulisse

    "Rimworld, c'était hier ? Ascent of Ashes" : comment se comporte-t-il ?

    par Kim Muntinga

  • En coulisse

    La classe plutôt que la masse : l’essence du design selon Jean-Paul Brković

    par Pia Seidel

  • En coulisse

    Ancien ou moderne ? Quand le design brouille les frontières

    par Pia Seidel

171 commentaires

Avatar
later